NE QUITTEZ PAS

Ne quittez pas est né d’un concours de circonstances inopportun pour les artistes et compagnies de La Réunion : la fermeture pour travaux, étalée sur trois ans, du Théâtre Canter, du Théâtre sous les Arbres (désormais réouverts), du Théâtre du Grand Marché et du Séchoir. Nicolas Givran y a vu un bon prétexte pour explorer une nouvelle aire de jeu : le théâtre dit « de rue ».

En 2020, pour la scénographie de son spectacle jeune public La pluie pleure, il avait fait construire une cabine téléphonique identique à celles que l’on trouvait dans l’espace urbain il y a encore une quinzaine d’années. Pour Ben, l’ado de la pièce, cette boîte était une sorte de refuge, de confessionnal, où il communiquait avec le fantôme de sa mère décédée.

La compagnie Qu’avez-vous fait de ma bonté ? donne une seconde vie à cet élément de décor en le plaçant au centre d’un spectacle tout terrain (il peut se jouer dans la rue, les espaces publics, les cirques, les forêts, sur les sentiers de rando, etc.). Autour, une centaine de spectateur.ice.s voit arriver un.e comédien.ne qui entre dans la cabine et compose un numéro. Dans l’assistance, un smartphone sonne, celui d’un.e autre comédien.ne. Les deux protagonistes entament alors un dialogue aussi anachronique que la situation. L’un évolue au présent, l’autre dans le passé. Le personnage dans la cabine est-il le fantôme d’une relation passée venu hanter le présent de l’autre ? Le texte, écrit par Nicolas Givran et François Gaertner, prend le parti de la tragi-comédie accessible au plus grand nombre. Une histoire d’amour. Une histoire de rupture. Une séparation en écho au titre : Ne quittez pas.

IN VIRÉ TOURNÉ ÈK…
KOSA SA ?

Chaque année, deux ou trois compagnies réunionnaises sont invitées par le Théâtre sous les Arbres à investir Le Port pendant grosso-modo un mois. Nous avons appelé cette résidence de territoire : In viré tourné èk… De septembre à octobre, c’est In viré tourné èk Qu’avez-vous fait de ma bonté ?.

Au programme, telle une boule à facettes : un Vavangaz sou pyédbwa pour se familiariser avec l’imaginaire de l’artiste à l’occasion d’une carte blanche, un Dan la kour pour voir gratuitement une forme spectaculaire dans un quartier du Port, et trois soirées pour découvrir la dernière création de la compagnie. Et pour celles et ceux qui veulent pratiquer le théâtre, chaque artiste anime des stages, soit pour les ados pendant les vacances scolaires, soit pour les adultes novices ou non.

FÉ LA KONÉSANS QU’AVEZ-VOUS FAIT DE MA BONTÉ ?

Développer une démarche artistique sous le prisme d’une « créolité artistique », c’est la vocation de la compagnie Qu’avez-vous fait de ma bonté ? en produisant des objets hybrides, poétiques, exigeants et accessibles à tous.tes.

Ce concept reflète le parcours artistique de Nicolas Givran, né en 1977 en banlieue parisienne d’une mère franco-malgache et d’un père réunionnais, qui décide de partir à la rencontre de ses racines. Après une formation de comédien au sein de la compagnie Cyclones Production, il est distribué dans presque toutes ses créations pendant une quinzaine d’années. En 2009, il met en scène et interprète le théâtre-concert Dis-oui aux côtés du musicien Sami Pageaux, fils de Danyèl Waro, d’après Monologue sans titre de Daniel Keene (projet recréé en 2020 dans deux nouvelles versions : Say yes, version originale en anglais, et Di wi, version créole). En 2015, répondant à une commande des TÉAT Champ Fleuri – TÉAT Plein Air, établissements culturels du Conseil départemental de La Réunion dont il est artiste associé, il crée le spectacle L’Île, d’après la pièce Tout le ciel au-dessus de la terre d’Angélica Liddell, qui partira en tournée, notamment au Théâtre de Liège en Belgique en 2019. Dès 2018, il assure la direction artistique de sa compagnie et met en scène Qu’avez-vous fait de ma bonté ? , une approche d’un théâtre tragique parlé/dansé/chanté à l’esthétique crue ; La pluie pleure, fable jeune public pétrie de références « pop culture » co-écrite avec l’auteur Philippe Gauthier, qui aborde entre autres la question de la diglossie français/kréol ; et L’amour de Phèdre, transposition poétique du texte de Sarah Kane qui utilise notamment la danse et le chant et dont la violence est signifiée mais seulement évoquée.

La « créolité » est donc, selon Nicolas Givran, une affirmation d’un maillage des formes, des disciplines, des registres, des langues et des influences. Elle donne à voir des propositions artistiques ancrées de fait sur notre territoire, car fabriquées ici et maintenant, et ouvertes sur le monde. Une pluralité et une diversité d’approches assumées, en variant les écritures de plateau et les « outils » de narration.

Les trois nouveaux projets de Qu’avez-vous fait de ma bonté ? s’inscrivent autant, voire plus, dans cette envie et cette nécessité d’un propos et d’un engagement artistiques qui s’apparentent à un métissage :

• Kayanbolaz, mise en scène pour un trio de musiciens jongleurs.
• Ne quittez pas, projet théâtral hors les murs, conversations écrites et improvisées depuis une cabine téléphonique posée dans l’espace public.